Laurent a suivi Dawa sur ses terres natales afin de constater de ses propres yeux les actions en cours et à venir dans le village perché du Solukhumbu. Il a rapporté de son voyage, ses émotions, son engagement et un état de lieux des actions et projets de l'association.
En préambule, je ne suis pas de ceux qui croient au hasard (comme l’a si exactement formulé Paul Eluard) mais au croisement de routes où se rencontrent des passions et des intérêts communs. Parfois, ces rencontres se poursuivent sur de longs chemins tandis que d’autres s’effacent dès le passage au croisement.
C’est au cours d’une soirée de présentation d’un livre d’expéditions polaires qu’une jeune femme est venue vers moi et m’a parlé de son projet de skis sur sable. Séduit par l’idée, j’ai pu, lors d’une première visio, voir ou plutôt revoir Dawa, aperçu déjà lors de différentes compétions auxquelles je participais et que je connaissais pour avoir lu de nombreux récits relatant son parcours et ses valeurs.
J’ai tout de suite compris que mes propositions, telle que celle de vouloir fabriquer des skis en bois sans matériaux issus du pétrole et de mettre au point des fixations grâce à un système basé sur le cuir était une idée qui le séduirait. Nous nous sommes mis alors à échanger sur ce sujet.
De fil en aiguille, je me suis intéressé à ses récentes activités et plus particulièrement à ses actions humanitaires dans le cadre de l’association « Parrains et Marraines pour le Népal ».
J’ai tout simplement fait savoir à Annie et Dawa que j’étais prêt à apporter ma contribution à leur projet sans savoir précisément le domaine dans lequel mon aide pourrait être utile.
C’est ainsi que la belle histoire prend naissance. Rapidement, Annie et Dawa me proposent de voler jusqu’au Népal afin que je puisse constater de mes propres yeux les actions en cours et à venir dans le village perché à 3000 m.
Une petite course contre la montre se déclenche. Le départ est prévu à peine trois semaines après cette décision et les démarches s’accumulent :
Visa, formulaires à remplir- aussi bien pour le Népal que pour les différents transits- mise à jour et injections de vaccins, billets d’avions (le tout compliqué par la Covid dont les contraintes sanitaires incluent les tests PCR à moins de 48 h de chaque décollage et atterrissage).
C’est de l’aéroport de Genève que nous décollons. Debout à 4h30 du matin, direction le RER parisien, puis le TGV et me voilà à l’heure du rdv où je retrouve Annie, reconnaissable avec sa doudoune « Everest Hard Wear » et Dawa. Chargés comme des mules avec nos 30 kg de gros sac, c’est ainsi que nous commençons le périple d’une durée de deux semaines qui démarre à cet instant. Je suis heureux comme un gamin qui va partir pour la première fois à la découverte d’un autre monde et aussi fier de la confiance que m’accorde Dawa en m’embarquant avec lui dans cette aventure inédite. Nous nous connaissons à peine ! Je vais vivre dans sa famille durant ces 15 jours. Ce n’est pas rien.
Un rapide transit à Dubaï, et nous voilà dans un vol qui nous dévoile des visages inconnus et des costumes aux couleurs du Népal. L’ambiance est tout autre. Chacun dort, il doit être 3 heures du matin, ce vol dure 6 h environs. Nous approchons de notre destination, le ciel est dégagé, d’un bleu intense, il laisse se découper au second plan, en arrière de la plaine recouverte d’un plafond nuageux, la vue sur la chaîne himalayenne. Les sommets qui s’enchevêtrent sont d’une blancheur éclatante. Je ne pouvais rêver, pour accueil, d’un spectacle plus vertigineux.
Ma rencontre avec Annie et Dawa :
« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous »
Je précise que durant chaque vol, mon compagnon de voyage, bien au chaud dans sa couverture, a bien récupéré de ses longues et difficiles journées de travail quotidien. Seules les pauses repas ont entrecoupé ses phases de sommeil. Je ne suis d’ailleurs et certainement pas le seul à être admiratif de sa capacité à pouvoir dormir aussi facilement et rapidement.
Atterrissage à Kathmandu.
Après le passage des douanes et le bureau des visas pour Dawa, nous sommes accueillis par sa nièce et son beau-frère. Pour eux, ce sont de grandes retrouvailles après deux années de « confinement ». Pour ma part ,Je suis sincèrement heureux et ému de marcher à leur côté sur la terre de leurs ancêtres, tandis que Sanam et Karma me remettent le katha en signe de bienvenue.
Après le vol, le trajet se poursuit en voiture. L’agitation de Katmandu et son désordre organisé méritent une attention et une vigilance toute particulière pour Karma qui conduit la voiture.
Après quelques jours passés dans la capitale pour régler les aspects administratifs et plus particulièrement financiers, il est prévu de prendre la route vers Chhulemo en véhicule.
Ces deux journées passées à Kathmandu seront dédiées pour Dawa et sa nièce à gérer les transferts de fonds des dons européens qui seront ensuite remis en mains propres aux enfants parrainés. Ce travail n’est pas une mince affaire.
L’heure du départ vers Chhulemo a sonné.
Réveil matinal (4h), chargement des bagages sur le toit du 4 X4 et enchaînement de 16 bonnes heures de routes à la découverte des impressionnantes montagnes népalaises. Nous serons accompagnés par un chauffeur et par Phurba.
C’est avec Phurba que, plus tard, nous nous acheminons vers un lieu sacré proche d’un lac situé dans la haute vallée du Dudhkunda au pied du glacier qui mène au Numbur (7000 m).
Dans les jours qui suivent notre arrivée à Taksindu, une courte visite chez les grands parents de Phurba, sera pour moi l’occasion de me glisser dans l’intimité d’une famille. Quelques jours plus tard et après notre retour en France, j’apprendrai par les réseaux sociaux le décès de son grand père (en photo ci-dessous).
Après les indispensables pauses repas et la rencontre du préfet de région, auquel Dawa présente ses projets, tout comme il les présentera le lendemain aux autorités locales, c’est une arrivée plutôt sportive qui nous attend. En effet, le chemin d’accès au dernier col n’est qu’un bourbier. Le 4X4 équipé de pneus lisses exige de nous quelques manipulations vigoureuses qui, in fine et malgré une pluie fine, nous permettent d’accéder tardivement à Taksindu, notre point lieu d’hébergement proche de Chhulemo. Nous tombons de fatigue, si bien qu’après une installation rapide dans le lodge, nous nous abandonnons à une nuit réparatrice, assurés d’y voir plus clair le lendemain.
Me voilà donc perché à 3000 m dans un lodge tenu par Kanchi , dont le mari, frère de Dawa, est mort sur les pentes du Tapshi-lakpa.
Kanchi est aussi la sœur de Babou, l’ami d’enfance de Dawa. Alpiniste de renom, Babou a détenu durant de nombreuses années le record de la montée de l’Everest sans oxygène.
Me tenir là, auprès des sherpas, les côtoyer de près et ressentir tout comme eux les émotions intenses qui surgissent de ces récits tragiques me rappelle mes lectures et m’en font saisir la profondeur et la vertigineuse puissance avec d’autant plus d’acuité que j’ai là, devant moi, les descendants de ceux qui ont construit l’histoire des victoires du plus haut sommet au monde
Le lodge qui devient notre « camp de base » est rustique mais ô combien accueillant. je dispose d’une chambre pour moi tout seul. De quoi me retrouver et pouvoir contempler, une fois le ciel dégagé de ses brumes matinales, les hauts sommets de la vallée du Khumbu. Spectacle fascinant saisi entre quelques éclaircies de courte durée.
→ A suivre : Episode 2 ► La maison pour personnes âgées