Laurent a suivi Dawa sur ses terres natales afin de constater de ses propres yeux les actions en cours et à venir dans le village perché du Solukhumbu. Il a rapporté de son voyage, ses émotions, son engagement et un état de lieux des actions et projets de l'association.
84 % au réveil ce premier jour à 3000 m. Tel est est le taux d’oxygène dans mon sang. Je mesurerai ce taux tous les jours car il va me permettre de suivre méticuleusement mon acclimatation.
Après un petit déjeuner copieux composé de thé, de galettes napées de miel, de flocons de céréales et d’un œuf, nous nous dirigeons vers le centre d’accueil des personnes âgées en situation difficile.
Avant de recevoir les autorités en présence des résidents, des travaux nous attendent.
Dans une salle qui va devenir la cuisine, nous mettons en place un réfrigérateur, des étagères métalliques ainsi qu’une table du style plan de travail. Nous déballons et rangeons aussi tout un ensemble d’ustensiles de cuisine mais aussi de tasses, de verres, d’assiettes et d’autres petits matériels.
Nous préparons aussi Une machine à laver le linge qui sera installée prochainement dans un petit espace dédié.
L’expression de Dawa me révèle une vive émotion. En effet, il est très important pour lui que les personnes âgées puissent bénéficier d’un service de restauration collectif. Actuellement, les résidents cuisinent dans leur chambre. Or, le risque est grand d’y mettre le feu. Le recrutement d’un cuisinier sera au cœur de la préoccupation de Dawa dans les jours qui suivront.
Au regard de mes propres expériences, Je ne peux que soutenir cette action d’aide auprès des personnes âgées de toute mon énergie.
Ces personnes que j’observe avec affection portent sur leurs visages non seulement les rudes traces des années mais dans leurs rides transparaît aussi la dure existence soumise aux conditions climatiques extrêmes
Durant la réunion qui suit, certains écoutent attentivement les échanges qui les concernent directement puisqu’ils vont dans le sens de l’amélioration de leur quotidien alors que d’autres, femmes et hommes, leur chapelet en mains, prient.
Je regarde la none toujours en alerte. Cette femme, discrète, ne cesse de veiller sur les attitudes de chacun et se lève dès qu’une personne âgée bouge pour vaquer à j’ignore quelle activité en dehors de la salle de réunion.
Depuis mon entrée dans ce lieu, j’ai croisé souvent ces personnes. Bien qu’il me soit très difficile d’échanger avec elles (je ne parle pas le népalais et encore moins la langue sherpa, tandis que de leur côté elles, ne parlent ni le français ni l’anglais). Pour autant, j’ai le sentiment que des mots s’échangent dans nos regards et que nous parvenons à partager silencieusement quelques pensées et même les émotions qui nous traversent en ce beau moment de rencontre. Elles sont souriantes et j’ai comme l’impression qu’elles sont heureuses non seulement de vivre et d’être là, dans cette structure collective qui leur permet de ne pas être isolées, mais aussi de notre présence. Il est vrai que Dawa est considéré comme un Dieu. Elles savent toutes combien son investissement sans compter leur permet de vieillir sereinement et de s’acheminer paisiblement vers la mort ensemble. La mort ne leur fait pas peur. Elles puisent leur quiétude dans La philosophie bouddhiste qui les a préparées à la réincarnation.
A l’issue de la réunion, Dawa, qui veille à mon bien -être, tient à me faire découvrir ce lieu qui lui est cher. Je visite quelques chambres et aussi les logements des nones. La météo est grise, il pleut, la lumière est sombre, cette ambiance accentue cette forme de cloisonnement, de confinement dans lequel toutes ces personnes, qui ne sortent quasiment pas, séjournent pour les dernières années de leur existence.
C’est étrange, je me retrouve là, dans un endroit que j’imaginais sans réussir à me le représenter avec exactitude. Je me rends compte que Construire un tel bâtiment avec si peu de moyens est remarquable. Tout est réalisé quasiment à la main. Les grosses machines que nous connaissons n’existent pas ici. L’acheminement des matériaux se fait à dos d’homme depuis le village qui se situe de l’autre côté du col.
Plus tard, dans mon séjour, je reviendrai seul rendre visite à ces personnes âgées. Je ne ferai rien de plus que de les croiser, leur montrer peut être inconsciemment que nous sommes là, que je serai encore là, avec elles une fois retourné en France. C’est assurément prétentieux de ma part de penser cela. C’est pourtant vrai. Voilà près de deux mois que je suis rentré, et je ne cesse de penser à elles. D’échanger régulièrement avec Annie et Dawa. Avoir réalisé ce petit album photo, avoir réussi écrire cette petite carte de vœux sur laquelle les anciens ont une place, permet à distance, de garder ce lien. Elles ne le savent pas, mais peu importe, je retournerai au Népal, je leur rendrai à nouveau visite, c’est une certitude.
Le moment est venu de me poser la question suivante :
Comment aider Dawa dans la mission dans laquelle il s’est engagé ?
La réponse viendra par la suite
Inaugurée le 12 novembre 2019, le centre d’accueil des personnes âgées en situation difficile se compose ainsi :
19 pièces comprenant :
• 1 salle à manger,
• 1 cuisine,
• 1 chambre pour le cuisinier
• 1 pièce réservée pour le personnel,
• 1 chambre pour l'infirmière
• 13 chambres (2 personnes par chambre) soit une capacité d’accueil total de 26 personnes,
13 résidants occupent à ce jour le centre.
6 nouveaux résidants vont bientôt être accueillis, cela fera donc un total de 19 personnes sur 26 lits d’accueil.
Le cahier des charges de l’époque ne prévoyait pas une capacité d’hébergement plus importante que celle que nous avions pu imaginer.
Nous avons aujourd’hui une dizaine de demandes que nous analysons. La priorité s’effectue en considérant les cas les plus démunis. Nous constatons que la liste d’attente s’agrandit très rapidement alors que le centre est ouvert seulement depuis deux ans.
L’agrandissement du l’établissement devient donc une nécessité.
Lors de ma dernière visite (octobre 2021) qui fût repoussée à cause de la Covid, nous avons pu aménager la cuisine avec des appareils électroménagers et du matériel individuel et collectif permettant ainsi de mettre en place l’idée première qui était de proposer des repas pour l’ensemble des résidents au sein d’une salle commune. Evitant ainsi les risques d’accidents voire d’incendie pouvant être engendrés dans les chambres individuelles.
Il a été également constaté que l’accès à l’étage va devenir compliqué pour les personnes très âgées. Les personnes en fauteuil roulant ne peuvent pas y accéder ni en redescendre.
Durant cette visite, la pluie qui ne cessait de tomber provoque des zones inondées. Ce qui peut entrainer des glissades sur le sol mouillé.
Le bâtiment qui se trouve proche du monastère peut se confondre avec un hôtel. La curiosité des trekkeurs de passage en témoigne.
→ A suivre : Episode 3 ► L’école de Chhulemo